Août 2002, 5 copains, Niko, Denis, Paxou, Fred et Raph font une expédition de 5 jours sur la Gens de Terre au Québec en hydrospeed.
On entre dans le vif du sujet !
Jour 3 : Ca bouge enfin…
Le soleil nous accueille à la porte de notre tente. Quel ravissement !Premier rapide : le Saut du Crapaud, un bon RV [[Rapide de classe 5 en notation québécoise]] !
Après examen, Niko et Raphaël ouvrent la voie sous les clics des appareils photos. Le premier rapide dégage toujours nos papillons dans l’estomac [[expression québécoise ? !]], la suite du parcours devient de l’amusement et de l’excitation à chaque approche. Un bon volume (120 m3 au lieu du 70 habituel) nous permet une bonne vitesse durant toute la journée. On n’oubliera pas de sitôt le saut de chute de Niko au Hell’s Gate (Portes de l’Enfer) !
La vidéo (19 sec) à télécharger pour les amateurs d’images :
La vidéo du passage -Les rapides se suivent régulièrement, RII, RIII et RIV nous font l’honneur de nous indiquer la direction. Denis a même décroché une de ses poignées de flotteur dans un rappel, tellement il s’y est accroché ! !Nous maintenons notre vigilance et décidons ensemble qui descend quoi ! Nous nous rappelons que nous sommes là avant tout pour notre plaisir. Ainsi, un passage qui nous paraissait sain finira par dévoiler un rocher à la réception, rocher qui apparaît toutes les 20 vagues. Décision : personne ne le descend.
C’est une belle journée, car le groupe s’acclimate de plus en plus à l’environnement, et chacun trouve sa place au sein de celui-ci, on commence à former les 5 doigts d’une main.
Denis nage dans les belles vagues du rapide des Minnies |
Jour 4 : Changement de cap
Ce matin là, c’est la pluie qui nous attend à la sortie de nos tentes, le temps est gris !Sous la bâche protectrice nous attend un bon petit déjeuner garni. On range tout, on enfile notre équipement et on se met à l’eau. La rivière nous apparaît différente et on s’enfile les rapides les uns derrière les autres.
Malgré les chemins et les balises, les portages sont assez encombrés et fatigants, nous avons souvent une pensée pour les canoéistes qui nous suivent. Comment vont-ils passer là ?
Nous approchons d’un RIV et comme à l’habitude le groupe va faire du repérage, les rives sont submergées et les abords sont glissants. Nous sommes en file indienne et d’une roche à l’autre, nous revenons vers nos sacs. Raphaël n’est pas chanceux, il dérape et se frappe durement l’épaule contre un rocher, son épaule se déboîte et il la remboîte en se relevant. Il récupère petit à petit de sa mobilité malgré l’impact.
On décide de se remettre à l’eau sans faire de portage pour le prochain rapide. Un énorme train de vagues se terminant par un mur nous attend plus bas en fin de parcours et un grand planiol nous permet de rejoindre la rive. La technique est simple : on tient son sac près de notre flotteur sans l’attacher et à l’approche du dernier rappel, on le lâche pour passer sous le rappel. On récupère ensuite nos sacs dans le planiol. Chacun passe sans problème, sauf Raphaël qui garde son sac trop longtemps et se blesse de nouveau l’épaule déjà fragilisée par l’accident de la rive. A ce moment, l’expédition prendra une autre tournure. Le groupe donne les premiers soins à Raphaël, et nous préparons un plan pour sortir le plus rapidement possible de la rivière. Raphaël a une épaule déboîtée et nous la stabilisons sans pouvoir lui remettre en place. Il est 13h00. Étant donnée la situation géographique et l’environnement, nous devons reprendre la voie des eaux pendant quelques kilomètres.
Après quelques temps et deux anti-inflammatoires, Raphaël arrive à remettre sa combinaison. Les rapides sont de bas niveau et Raphaël demeure mobile ce qui est à l’avantage de tous. Il arrive à palmer et est escorté en permanence par Niko.
Notre objectif : une route forestière qui permettra à Raphaël de faire quelques kilomètres à pied pour rejoindre un campement. Durant ces quelques kilomètres, nous rencontrons « enfin » dans une zone de calme les sangsues dont parlait un site sur Internet. Nous arrivons finalement au point de jonction. Nous décidons de séparer le groupe, Raphaël part avec Paxou par la route qui longe la rivière jusqu’au point de rencontre, un site de campement assez bien situé pour un rapatriement par voie de terre. Le reste de l’équipe descend la rivière avec les bagages et prépare le campement pour la nuit. La pluie du matin s’est transformé en soleil depuis le début de l’après-midi. Raphaël et Paxou entament une marche de plusieurs heures, difficile, semée de traces d’animaux (orignaux, ours ?, …) et pleine de doutes quant au chemin emprunté : les boussoles européennes sont décalées en Amérique du Nord !
Le tout sous un soleil de plomb, avec pratiquement pas d’eau à boire (nous ne verrons jamais la rivière qui semblait si proche sur la carte !) et une armada de moustiques qui bourdonne autour de nous et attend que nous nous arrêtions pour nous piquer.
Heureusement, les radios nous permettent de garder le contact entre les deux groupes. Vers 19h00 le groupe se reforme enfin au campement.
Le coin est confortable, nous avons tous fourni un grand effort et nous nous restaurons avec joie. Fred en profite pour nous partager sa surprise, des mousquetons, symboles de notre unité avec une estampille à l’effigie de notre expédition. Ca tombait vraiment bien !
Raphaël est fatigué mais comme dit Denis : « Les bonnes victimes font les bons sauvetages ! » et Raphaël se comporte bien dans la situation. Ca vaut pour tout le monde aussi.
Vers 21h00, le groupe se sépare de nouveau : – Niko et Paxou restent avec Raphaël au campement ; – Fred et Denis vont nager de nuit les 13 km restants pour arriver au point de sortie.
C’est pourquoi Denis et Fred partent chercher du secours. Fred se souviendra longtemps de cette descente :
» Chaque moment, chaque coup de palme, chaque arbre se découpant sous la pleine lune, chaque bruit, chaque rappel grondant dans la nuit, chaque virage découvrant un nouveau méandre sombre, chaque vague se dévoilant sous ma lampe frontale resteront à jamais gravés dans mon esprit ! » Malgré la beauté et la magie du spectacle, il faut du courage pour Denis et Fred.
Ce qui les motive, c’est Raphaël et son épaule décalée ! Cette pensée leur donne le tonus nécessaire a chaque baisse de régime.
Fred cale son rythme de palmage sur celui de son compagnon québécois, « C’est magique ! Il n’y qu’un seul rythme dans le silence de la nuit. » Le moindre bruit au loin se transforme vite en grondement. Un train de vagues, un rappel ?
Vite, un coup d’œil sur la carte topo, Denis scrute les environs, chaque courbe, chaque méandre leur indique leur positionnement.
Les frontales ont du mal à déchirer la brume latente. Soudain, billots de bois à droite, rappel à gauche ! Gîte, contre-gîte, déhanchement sur déhanchement, sprint ! Ca y est, ils sont passés ! Deux cents mètres plus loin, Denis et Fred remettront ça ! Et encore et encore, pour enfin arriver dans un calme et le silence absolu. L’une des plus belles descentes en pays inconnu qu’on pouvait imaginer !
Ils avaient laissé ce qu’il y avait de meilleur derrière eux, « leurs trois compagnons « , ils étaient fermement décidés à les retrouver. Après deux heures de nage sous la lune, vers 23h00, les deux grenouilles nocturnes sortent de l’eau.
Il leur reste à trouver du secours en pleine nature et en pleine nuit. » A quand une nouvelle valse sur les flots avec la pleine lune ? » La lune aura été leur fidèle compagne, ils se souviendront autant d’elle que des passages de rapides à la lampe frontale. » Merci Fred de ta compagnie ! » dit Denis. A pied mais toujours en combinaison, Denis et Fred atteignent une route forestière secondaire. Comble de chance, une camionnette passe sur cette route quasi déserte. Quelques minutes plus tard, un gars « super sympa », comprenant l’urgence et malgré une heure tardive, les amène sur plus de 100km jusqu’au poste d’accueil du parc.
Une fois sur place, ils réveillent les ambulanciers et établissent un plan de sortie pour tout le groupe.
Il est décidé d’utiliser le 4×4 et la remorque, et d’emprunter une route abandonnée depuis 2 ans, mais qui semble, selon les informations, accessible. Avec les conseils des ambulanciers, un téléphone satellite et l’impatience de revoir leurs amis du campement, Fred et Denis reprennent la route sans se reposer. Une longue route qui les amènera de peine en misère au campement, il est 5h00 du matin. Niko, Paxou et Raph sont ravis de les revoir, la température cette nuit-là fut basse et ils n’ont presque pas dormi.
Contents, tout le monde (sauf Raph) défait le campement à la lumière des torches, on emballe dans la remorque et c’est la route du retour. Le jour se lève. Une route en mauvais état, et un pont qui nous donne bien des sensations fortes. Mais ensemble, on l’a fait !
Hé oui c’est au tour de Denis de révéler sa surprise !
Raphaël, qui a pris soin de ne rien boire et de ne rien manger depuis la veille, au cas où, n’aura pas le plaisir d’en boire ! À l’approche des routes principales, avec le téléphone satellite, nous contactons les ambulanciers et prenons un rendez-vous à une intersection routière. Au point de rendez-vous, l’ambulance prend en charge Raphaël, Denis l’accompagne, tout le monde est en bon état, nous avons même droit aux félicitations des ambulanciers pour notre gestion de la situation : « il y a des personnes qui ne s’en sortent pas aussi bien. Vous êtes un groupe très soudé ». _Les 4 européens, et en particulier Raphaël, comprennent que leurs craintes d’avoir « grillé » Denis dans la région à cause de cet accident ne sont pas justifiées !
Ah, ces québécois ! Ils sont vraiment sympas ! Il est 8h00 du matin. Juste avant que la porte de l’ambulance ne se ferme, Raphaël nous dit : « Rassurez Valérie et Timon, si vous pouvez leur parler avant moi ». L’émotion est à son comble, la tension peut enfin se relâcher. L’ambulance part au loin. L’aventure devait peut être finir comme ça….. mais qu’elle fut belle !