Sécurité et loi de Murphy


A tous niveaux, chacun est responsable de lui-même au moment où il met les palmes aux pieds. Nous connaissons le danger inhérent à ce sport, à nous de sensibiliser les gens pour qu’ils soient suffisamment informés et prendre la décision de nager ou pas.


La première règle que je retiens lors d’un accident est la loi de Murphy :

« Un accident arrive toujours par l’accumulation de petites erreurs ».

Alors voilà, je me lance. Je fais de la NEV depuis 1988. Il m’est arrivé
plusieurs histoires sur l’eau.

Première histoire

Le 12 juin 1999 sur la Sarine en Suisse. Je rafte pour une compagnie tenue par des copains. Arrivés dans la Gorge du Gérinioz, on remarque un raft cravaté à l’entrée et des gens sur la berge qui s’agitent fortement.

Un guide qui effectuait une navette nous dit : « Il y a 8 personnes dans l’eau et
ils sont partis dans la gorge. On ne sait pas si tout le monde à pu sortir. »

On embarque dans nos rafts, traversons la gorge et retrouvons une partie des
autres bateaux concernés par l’incident (7 au total).

Tout est OK ??? oui, oui, on a tout le monde. Plus de soucis, on poursuit notre descente.

Mais 100m plus bas, je trouve un groupe sur une petite plage. Une personne à terre !!! visiblement en hypothermie avancé, on assiste la personne et effectuons les premiers secours.

3/4 d’heure plus tard, l’ambulance embarque le malheureux qui a une épaule démise. Nous partons pour finir notre descente.

Avec stupéfaction, une personne nous raconte, 4 km plus bas, que la morgue vient de partir avec le corps d’un homme mort noyé. Les personnes du raft qui s’était retourné pratiquement 2 heures avant, n’avaient pas toutes pu être retirées de l’eau à la sortie de la gorge.

Et un malheureux avait eu une crise cardiaque dans la gorge.

OK ON A TOUT LE MONDE !!! Pas facile de gérer un accident quand il arrive.

Deuxième histoire

16 juillet 2000, je pars faire les ex-infrans sur les Dranses avec 3 nageurs.

Niveau 35-40 m3/sec.
– Trop confiant, je dis que ça va bien le faire. Mais c’est la première descente des ex pour 2 des nageurs !!! Première erreur.
– Nager un dimanche matin après une fièvre du samedi soir !!! Vlà la 2ème erreur.

L’eau pousse plus fort que d’habitude, les contres courants et stops habituels nous repoussent. Non stop depuis le siphon sous le pont jusqu’au rappel. Pas possible de s’arrêter.

Les voilà partis dans le rappel, par la passe de droite, houps, pas sûr du résultat.

Un flotteur reste dedans et le nageur sort, je passe à gauche et me fait prend comme une m…. Yvan arrive derrière moi et me sauve la mise.

On repart chercher nos potes, l’eau va vite et le 2ème siphon arrive.

Epuisés et à bout de force, miraculeusement tout le monde arrive à s’arrêter en Rive Gauche. _ Il nous faudra 45 minutes pour récupérer et faire un bac pour rejoindre la route.

On est passé très près cette fois. La loi de Murphy n’était pas loin. Ce jour là, il manquait
peut-être la 3ème erreur ???

Troisième histoire

Le vendredi 13 octobre 2000. Je participe pour la 4 fois au « Challenge des Uniformes ».

Compétition de Ratf Hot-Dog et course à pied organisé par AN Ubaye.

Une très belle crue sur la rivière. Avec 6 de mes collègues (tous pompiers professionnels à Genève), nous voilà prêts à partir pour faire Martinet-Lauzet.

Pierre, de la base, me dit :  » Fais gaffe Niko, il y a de l’eau et ton bateau est un peu petit ».
– OK, mais je connais bien mes gars et ça va le faire. Vlà la 1ère erreur.
– On avait gagné les 2 années précédentes et j’étais trop sûr de moi. Vlà la 2ème erreur.

On part quand même, là je dois dire que la descente était vraiment top. Du pur bonheur en boîte.

La cuisine passe sans problème, le rouleau de Printemps enterre notre raft sous l’eau. Les gars vont bien et le physique suit. Du bonheur en boîte, je vous dis.

Mais avant d’arriver à la dent de Requin, je pense m’arrêter en RG pour aller repérer. Je calme le jeu sur un petit bout de plat et ne vois pas arriver un putain de monstre rappel qui se forme uniquement à gros niveau d’eau. Le bateau n’a plus le temps de prendre de la vitesse et on se le fait en beauté.

Le raft se fait happer et commence à tourner dans tous les sens. Les gars tombent à l’eau les un après les autres. Le raft remonte sur la vague et va pour écraser sous l’eau mon collègue de chambre (un frère d’armes si vous me passez l’expression). Je le regarde dans les yeux et je lui appuie la tête sous l’eau pour le faire partir sous le bateau avec la lame de fond.

Le temps s’arrête dans ces moments, impossible de dire combien de minutes sont passées. Le bateau se retourne d’un seul coup. On n’est plus que 4 dedans. La force de l’eau me fait dire qu’il est impossible de pouvoir ramener le bateau sur le bord.

Sauvons nos vies avant tout. Je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti ce jour-là, quand j’ai vu tous mes collègues au bord, à bout de force, mais sains et saufs. Quelques blessures aux jambes, perte de 6 pagaies et le bateau ??? Cravaté juste à la hauteur du camping avant l’entrée des gorges. On ne fera pas la compétition. On rentrera tranquillement le lendemain après avoir fait une fête pour se dire que l’on avait beaucoup de chance d’être tous là.

Un WE bien noir, puisque le samedi est le 14 octobre 2000 (rub30). Et j’ai perdu un être cher, mon PERE, le dimanche 15 octobre 2000.

Pourquoi partager tout ça ?

Car je crois que l’on apprend tout les jours. Pour le gens qui me connaissent et pour les autres, je ne pense pas que ça changera votre opinion sur moi (dans le pire des cas, je m’en f…).

Mais j’ai surtout appris que si je veux repousser mes limites en allant toujours plus loin, je dois le faire seul ou avec des gens conscient de ce que l’on va faire. Je ne dois pas mettre le vie des autres en péril en pensant que si ça passe pour moi, ça passe pour eux.

Il y a 14 ans, jamais je n’aurai pensé faire ce que je fais aujourd’hui. C’est comme quand tu apprends à skier sur une piste verte, tu progresses et tu finis un jour par faire de la poudre hors piste.

Il faut juste prendre le temps et ne pas griller les étapes. Qui va molo, va sano.

Aujourd’hui lorsque je regarde derrière moi, je ne regrette rien. Je ne peux rien changer non plus. Il y aura encore des accidents, malheureusement. Mais c’est à nous de tout faire pour limiter la casse.

A bientôt sur l’eau et sans M. Murphy !!!
Niko

Historique de la loi de Murphy:

Aussi connue comme Loi de l’Emmerdement Maximum, ou Loi de la tartine beurrée.

L’évidence de cette loi et de ses dérivés, qui ne nécessitent aucune démonstration (laquelle est d’ailleurs impossible, voir plus loin), et dont chacun a pu savourer la douloureuse véracité tout au long de son existence, aurait dû assurer l’immortalité à son auteur. Hélas il fut victime de sa propre loi, très peu de gens le connaissent.

Depuis son premier énoncé vers 1949 par Edward A. Murphy Jr., capitaine de l’US Air Force, la Loi a engendré une flopée de lois dérivées, corollaires et variations, d’auteurs pas forcément toujours identifiés. De toute façon, de traduction approximative en copie infidèle, de téléphone arabe en détournement délibéré, d’application abusive en généralisation délirante, certaines n’ont plus grand rapport avec leur énoncé original. D’autres lois étaient aussi découvertes depuis des temps immémoriaux, mais il manquait une théorie cadre pour leur donner toute leur douloureuse signification.