Cette page relate vue de la rivière la mort accidentelle de Xavier Lombaerde, nageur confirmé, sur le Taurion le 14 Octobre 2000.
Le Taurion avec eau et sans eau |
Tout a commencé le 14 Octobre 2000.
Nous sommes 11 nageurs du Garches Aqua Sports. Pour certains (Alain et Raphaël), c’est la 5ème fois que nous venons faire le Taurion. Pour d’autres, c’est la quatrième (Marco et Patrice), la troisième (Aurèle et Francis) ou la deuxième fois (Fred), mais pour certains, c’est la première fois (Thierry, Bruno, Peggy et Stéphane).
Car il faut bien une première fois !
Bien-sûr, on a beaucoup parlé du Taurion au club, au point que Peggy a un peu les « chtons » et que Thierry, bien que confiant, se demande vraiment ce que c’est !
Bien sûr, on s’est tous entraîné :
– séances d’aisance, d’apnée et de palmage en piscine
– entraînements sur les stops d’urgence, les évitements, les drossages et les cravates à Corbeil
– exercices au pied d’une chute avec et sans flotteur sur le Chalaux.
On arrive confiants et sereins, prêts à slalomer entre les kayaks et à jouer la solidarité et la sécurité à fond !
Au programme :
– Samedi : 1, 2 ou 3 rigoles du diable en fonction des niveaux des nageurs et des motivations
– Dimanche : on jouera dans la partie basse sur le Gour de Vaux et l’Apothéose.
Jusqu’à 16h00, tout va super bien : tout le monde a fait entre une et deux descentes, pas de casse, beaucoup de plaisir et sur les 11, 6 font la remontée à pied pour s’en faire une dernière « tranquillou », en regardant le bord de la route à la recherche de champignons.
Et là, le drame : juste avant le chemin d’accès au Pas du Loup, Gérard de Melun me dit cette phrase incroyable :
« T’as tous tes gars avec toi ?
Interloqué, nous lui demandons ce qu’il y a ! On a bien remarqué une voiture de la Croix Rouge, un peu d’agitation et une jeune fille qui pleure, mais on pense plutôt à un bras cassé ou une épaule déboîtée, comme il y a quelques minutes à l’arrivée !
Et là, Gérard nous dit : « Y a un gars coincé sous l’eau, ils sont en train de le sortir. »
Un peu choqués, on jauge rapidement qu’on ne peut rien faire : il y a le responsable de la compét du lendemain, Gérard, quelques nageurs ou kayakistes, les mecs de la Croix Rouge. Pas de voyance malsaine, on veut pas gêner. En plus, Alain et moi, on a déjà vécu çà il y a quelques années, c’est bon, on continue jusqu’au départ.
Là, on cherche à se renseigner, on a croisé Françoise puis Adèle qui faisaient la navette en voiture, est-ce quelqu’un qu’on connaît ? Apparemment non ! On n’est quand même pas rassurés et on se demande ce qui a pu se passer.
Au GAS, on discute, soit les 6 repartent, soit personne. Un d’entre nous déclare forfait, on arrête là !
On voit remonter les copains qui ont dû, soit s’arrêter, soit carrément sortir le corps de Xavier.
Tout le monde est plus ou moins en état de choc, ceux qui connaissent le siphon incriminé explique son emplacement aux autres et tout le monde fait la tronche.
Certains se remettent à l’eau tout de suite, même pour faire 100 mètres, « pour reconduire tout de suite après un accident de voiture », d’autres se déshabillent lentement.
On entend les derniers commentaires, Yvan et Christophe nous racontent comment ils ont sorti Xavier, et que juste après, deux kayaks sont venus se coincer dans le même trou !
Puis, on rentre lentement. Arrivés au gîte, on décompresse mais à 19 heures, débriefing : chacun s’exprime, s’interroge, sur la fatalité, la sécurité, les risques, Laure nous demande d’avoir une pensée pour la famille et les amis du nageur, dont nous savons même pas encore ni le nom, ni le club, ni le niveau.
Les témoignages concordent : au GAS, on est un peu « chiant » avec la sécurité : ordre de palanquée respecté quelque soit le niveau de la rivière et des nageurs, arrêts courants, sécurités systématiques, entraînements à Fourges en Novembre, formations, mais c’est pour limiter les risques.
Le lendemain, les gendarmes bloquent l’accès à la Rigole aux nageurs sur ordre du Préfet. Après 10 minutes de discussion, on comprend que le bas n’est pas interdit.
On connaît bien cette portion, certains ont besoin de nager aujourd’hui. Tout le monde n’ira pas, mais on n’est pas obligé de nager au GAS, on n’a pas honte à dire « Aujourd’hui, je ne nage pas ! » ou « Ca va pas, j’arrête là et je sors ! » et personne ne nous le reprochera, comme les cadres ou d’autres peuvent dire sans pudeur et sans gêne : « Aujourd’hui, c’est pas bon pour toi, tu ne dois pas nager ! »