Jour 10 à Jour 11

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Cette page relate l’exploration de Denis, nageur de luge d’eau québécois.

Il a fait son exploration en juin 2001 au Canada, 190 km de nage sur plusieurs rivières du Québec, avec Gaston, son « fidèle compagnon », le tout en 11 jours.

Jour 10 (lundi)

Ce sera une longue journée ! Il est 5h30 et je suis déjà à l’eau. La brume du matin m’accompagne, cela rend irréel ma progression.


Envolée de canards sauvages au petit matin ! (Photo Denis Morin)

Je me sens mieux et je progresse un peu plus vite. Le premier RIII me surprend, il comporte des seuils 2 et se transforme en R IV, de mon point de vue. Passé le premier seuil, je décide de mettre pied à terre, je suis surpris de ma découverte. Ce sera un portage car l’endroit me semble trop risqué pour les blessures potentielles. Je demeure plus prudent à l’approche des autres rapides.

Ce sera une journée particulière en distance parcourue, et en émotions. Car vers la fin de la journée j’approche d’un rapide comportant une chute. Je repère le rapide et je m’approche de la chute. Je décide de passer un dernier petit seuil et de me protéger sur un contre-courant à gauche, je sortirai à cet endroit. Je passe le petit seuil, mais le rappel déferle du coté opposé à l’endroit où je voulais sortir, je me retrouve à surfer vers l’extérieur, j’ai mon bagage près de la luge qui me suit docilement. Je regarde la situation derrière moi. Du côté de la rive, où je suis, je ne peux sortir de façon sécuritaire, il me faut faire une sortie du rappel et faire un bac avant et retraverser la rivière et me protéger un peu plus bas. Cette situation m’apparaît possible et sans danger. J’essaie de sortir du rappel mais mon bagage m’y retient à chaque fois. Je choisis de laisser ma corde de bagage. Je sors donc du rappel, et d’un coup sur la corde ramène mon bagage qui était resté temporairement dans le rappel. Je suis dans la zone extérieure du rappel où je suis stable, je commence donc mon bac, mais j’oublie que Gaston a commencé sa descente vers la chute sans moi, il finit par me tracter. J’essaie d’augmenter ma propulsion mais l’énergie va en diminuant. Je réalise que je suis dans de beaux draps. Je dois délester sinon je vais descendre une grande marche. Je déleste mécaniquement en espérant que rien n’accrochera. Super, le poids enlevé, je vois ma luge se relever et faire un saut dans le contre-courant prévu. Je suis en sécurité, je tourne la tête et je vois mon sac tomber dans la chute. Je suis fatigué, je m’assois et commence à relâcher un peu.

Après les émotions le réalisme reprend sa place. Je me lève et m’approche du bord de la chute pour regarder où est Gaston, rien, pas de signe de lui. Après un portage à m’imaginer avoir perdu Gaston, je fais un examen des rives en bas de la chute. Toujours rien. J’accepte l’évidence : Gaston s’est noyé. Il a emporté avec lui, ma trousse de premiers soins, ma bouffe et surtout mon porte-feuille et mes clés de voiture. J’ai un briquet avec moi, de l’eau potable en quantité industrielle. Donc je ne suis pas en danger, mais je ne dormirai pas nécessairement bien ce soir. Résigné, je remercie Dieu de m’avoir fais faire les bons gestes. Je continue ma route.

Environ 1 km plus loin, je retrouve par hasard Gaston et ma ceinture de sac a corde. Bien-sûr, il est un peu amoché et n’est plus imperméable. Mais quelle joie de retrouver mon compagnon de voyage. Ce soir-là, j’ai fais un immense feu de joie sur la plage, toute la soirée j’ai fais tout sécher. Je me sentais bien, la journée finissait bien. J’ai dormi comme un ange ! Et j’ai bien-sûr appris ma leçon !


Une chute dont je garde tout un souvenir ! (Photo Denis Morin)

Jour 11 (mardi)

Ce matin, je me sens en pleine forme. Le soleil est au rendez-vous pour ma dernière journée. J’ai une demi-journée d’eau relativement calme. Mais qu’à cela ne tienne, je finis avec un beau 8 km sans arrêt de RIII – RIV, le plus long au Québec je crois ! Je suis surpris d’avancer aussi rapidement, j’ai eu la chance d’échanger quelques politesses de passage à une femelle orignal qui voulait traverser la rivière. Ce sont des animaux impressionnants ! L’eau est tellement claire que je vois souvent des bancs de poissons, je peux presque les toucher. Une chance que je ne suis pas pêcheur ! ! ! Finalement j’arrive au Rapide des Cinq, je connais déjà cette section et je sais que c’est bientôt la fin de mon périple. Je m’y lance avec toute mon énergie ! Ce fut une descente mémorable, tous ces rapides que pour moi seul, j’étais tellement excité d’avoir fait toute cette distance et finalement j’arrive sur la rivière St-Maurice. C’est presque qu’irréel de voir passer les camions lourds sur la route devant moi. Je me laisse flotter au gré du courant. Je mets pied à terre au pied de l’Auberge où j’ai stationné ma camionnette. Une dernière photo prise par un passant, terminera ma randonnée. Sur la route du retour vers Trois-Rivières, je pensais déjà à quoi ressemblerais la prochaine virée…



Un gars content !
(Photo Denis Morin)